Après avoir amorcé une réflexion sur le rôle de la RSE et l’importance d’une approche de long terme, Emmanuelle Legrand, Directrice adjointe de Mavence France en charge du pôle RSE, et Anne-Solène Le Bobinnec, Conseillère chez Mavence France et consultante et formatrice en RSE, poursuivent leur échange sur la place stratégique de cette fonction dans l’organigramme. Où doit se situer le responsable RSE pour être efficace ? Et quel est, au fond, son rôle central dans l’entreprise ?
La stratégie RSE est un processus de co-construction
Emmanuelle Legrand : Plusieurs parcours de formation sont aujourd’hui reconnus pour accéder à des fonctions RSE : Mines ParisTech (ISIGE), CentraleSupélec, Paris-Dauphine, mais aussi des écoles spécialisées comme Carbone 4 ou la Green Management School. On peut aussi citer les Masters 2 en management de la RSE proposés dans les grandes écoles de commerce ou à Sciences Po.
Mais au-delà des compétences techniques, les entreprises recherchent des profils dotés de soft skills propres à l’influence : capacité à travailler en transversal, à accompagner le changement, à fédérer autour d’une vision partagée. Il faut savoir construire des alliances, coordonner efficacement des projets, et faire avancer l’organisation de manière méthodique pour aligner les enjeux RSE avec la stratégie globale.
Soyons clairs : aujourd’hui, l’influence du / de la responsable RSE se joue au moins autant en interne qu’en externe.
Anne-Solène Le Bobinnec : C’est vrai, l’un des grands enjeux reste la démocratisation de la RSE à l’échelle de l’entreprise. Et cela passe par la co-construction des projets. C’est la meilleure façon d’éviter les résistances au changement.
Trop souvent, les stratégies RSE sont élaborées en comité de direction et imposées de manière descendante. Résultat : on entend « je ne peux pas appliquer ça dans mon métier, ce n’est pas adapté, il y a trop de contraintes… ».
À l’inverse, lorsque les Business Units sont impliquées dès le départ, elles s’approprient pleinement les sujets qui les concernent, en perçoivent les bénéfices et deviennent parfois les meilleures ambassadrices. La co-construction favorise l’adhésion. Le / la responsable RSE devient alors un facilitateur de la stratégie globale de l’entreprise.
Les enjeux du rattachement des responsables RSE
Emmanuelle Legrand : Dans ce cas, quelle serait selon toi l’organisation idéale ? Une direction directement rattachée au CEO ?
Anne-Solène Le Bobinnec :
Oui, idéalement. Pour faire avancer la RSE, il faut un sponsor fort : au minimum un.e directeur·ice générale délégué·e ou secrétaire général·e. Ces enjeux doivent être visibles au plus haut niveau. Et pour être véritablement impactante, la démarche RSE doit fonctionner à double sens : top-down et bottom-up. Le top-down, c’est la volonté des dirigeants d’articuler la stratégie d’entreprise et la stratégie RSE – les deux doivent être pensées ensemble. Le bottom-up, c’est la capacité des collaborateurs à s’emparer des enjeux RSE, à proposer, à co-construire des plans d’action adaptés à leurs métiers. C’est ainsi que la RSE devient une fonction réellement transversale.
Emmanuelle Legrand : Les intitulés des Directions varient beaucoup d’une organisation à l’autre : RSE, Développement durable, Impact, Engagement… Certaines entreprises optent aussi pour des directions transverses regroupant Affaires publiques, Communication et RSE. D’autres intègrent la RSE dans les métiers, avec des profils issus des achats, de la supply chain ou du packaging, par exemple. Toi, tu as vécu cela de l’intérieur, dans une enseigne de la grande distribution spécialisée. Comment la RSE est-elle entrée dans ton périmètre de responsabilités ?
Anne-Solène Le Bobinnec : C’est par mes missions en relations institutionnelles que j’ai commencé à traiter des sujets RSE, en allant défendre auprès des pouvoirs publics le rôle et la contribution que souhaitait avoir mon entreprise sur des sujets comme la rénovation énergétique des bâtiments ou encore l’épargne salariale. J’ai été amenée à piloter des partenariats avec des acteurs publics comme l’Anah (l’Agence nationale de l’habitat) et l’Ademe. Puis j’ai pris en charge la structuration de notre positionnement RSE, en élaborant les premiers argumentaires sur nos engagements – qui n’étaient jusque-là ni formalisés ni valorisés.
De l’importance de la cohérence des équipes RSE
Emmanuelle Legrand : Et comment l’équipe a-t-elle été structurée ? As-tu des conseils à partager pour gagner en temps et en efficacité ?
Anne-Solène Le Bobinnec : Il existait précédemment une direction du Développement durable principalement centrée sur l’enjeu environnemental et rattachée à l’offre produits. Nous avons fait évoluer cette structure vers une Direction RSE élargie, d’une dizaine de personnes, intégrant également les enjeux sociaux auparavant sous la responsabilité des RH : diversité, inclusion, santé, sécurité… Nous avons aussi intégré une contrôleuse de gestion dédiée à la RSE. Sa mission : définir et suivre des indicateurs de performance, et démontrer le retour sur investissement de nos actions. Elle était pleinement intégrée à l’équipe, tout en étant rattachée hiérarchiquement à la Direction du Contrôle de gestion.
Autre élément clé : une personne de la Direction de la Communication participait à nos réunions. Ce lien régulier nous a permis d’ancrer la RSE dans la stratégie de communication, de manière cohérente et progressive.
Enfin, je manageais une alternante en charge de la conformité réglementaire environnementale et sociale. Elle faisait le lien entre Affaires publiques, juridique et RSE.
Cette structuration nous a permis de gagner en cohérence, en agilité, mais aussi en légitimité vis-à-vis des autres directions.