Les élections européennes qui se dérouleront entre les 6 au 9 juin prochain pourraient faire évoluer la répartition des forces politiques au sein du Parlement européen. Instituts de sondage, think tanks, médias… proposent depuis plusieurs mois des projections qui donnent vainqueur le camp de la droite européenne actuellement majoritaire (PPE), avec une forte percée des conservateurs et nationalistes (CRE et ID) pour y revêtir le rôle de troisième force politique, actuellement occupé par le groupe RENEW.

Une telle situation, si elle venait à se concrétiser, modifierait les visages de celles et ceux qui s’installeront prochainement dans les travées du Parlement tout en bouleversant les équilibres de la majorité au risque de rendre bien plus difficile le jeu de coalitions qui prévaut dans cette enceinte. Mais comme tout changement, cette nouvelle élection apporte également de nouvelles opportunités :  pour les organisations, c’est notamment l’occasion de prendre la ligne de départ et d’investir résolument dans la conduite de leurs affaires européennes.

Chaque élection charrie son lot de non-renouvellement d’élus, que cela soit lié à une non-présentation du sortant à sa succession, à un non-renouvellement d’investiture ou à sa défaite aux élections. Dès lors, chaque organisation qui aura inscrit cette personnalité politique parmi ses cibles en matière d’affaires européennes devra réadapter sa stratégie en cohérence avec les résultats de l’élection et ses attentes présentes et futures.

Les perspectives retenues donnent à ce jour vainqueur le camp actuellement majoritaire au Parlement européen[1]. Pour autant, c’est bien la troisième force à y siéger qui détient les clés de la stabilité et des blocages des discussions sur toute proposition législative. La surprise pourrait donc venir d’une percée des conservateurs et nationalistes lors des élections européennes qui – faut-il le rappeler – se déroulent au suffrage universel direct à un tour.

Dans un contexte de défiance envers les institutions européennes et de bouleversement géopolitique marqué par le retour de la guerre sur le continent européen, la crainte d’un non-renouvellement d’un grand nombre d’élus peut se faire jour et, avec elle, le risque d’une déstabilisation des travaux précédemment entrepris. Les organisations pourraient ainsi légitimement conclure à la perte des bénéfices engrangés par plusieurs mois d’investissement dans leurs actions d’influence auprès des élus européens. Quand bien même les résultats aux élections 2024 venaient à s’aligner sur les prévisions aujourd’hui partagées, les organisations ne devraient pas céder à un tel pessimiste. Ce temps de la vie de l’Union européenne doit être un moment privilégié pour investir dans le renforcement de leurs équipes en charge de penser et de conduire leurs affaires européennes.

En effet, le renouvellement des élus s’accompagnera d’une démultiplication des besoins pour apprendre des parcours des nouveaux arrivants, comprendre les rapports de force qui apparaîtront, conduire des stratégies de sensibilisation des parlementaires, et suivre les travaux de commissions et les votes lors des séances plénières. À cela s’ajoute un changement probable des priorités stratégiques européennes alors que nous achèverons cette année le programme quinquennal de l’Union européenne (2019-2024)[2]. Aussi, de nouveaux enjeux pourraient émerger d’une recomposition des forces au sein du Parlement.

Dans la foulée d’un départ des élus de leurs fonctions européennes, c’est l’ensemble des membres de leur équipe qui pourrait se retrouver sur le marché du travail. Ceux-ci représentent un vivier de techniciens et de conseillers pouvant s’intégrer parfaitement aux équipes des organisations qui ferait le choix de structurer leurs affaires européennes. Leurs connaissances approfondies des pratiques en vigueur au sein des institutions et dans les couloirs de l’Union européenne, mais également les réseaux dont ils disposent, en font des collaborateurs de choix pour mener à bien la représentation des intérêts des organisations auprès des institutions de Strasbourg et Bruxelles.

Au-delà des couleurs politiques qui formeront la prochaine majorité, les élections européennes sont une occasion pour les organisations de « muscler » leur appréhension des affaires européennes en se saisissant de l’opportunité créée par le renouvellement du Parlement pour attirer des professionnels qui officieront demain au sein de leurs équipes.

Une telle décision leur permettra d’ailleurs de rendre plus visibles leurs actions et de gagner à la fois en légitimité et crédibilité auprès des élus, mais également auprès des organisations professionnelles et sectorielles en charge de les représenter devant le Parlement.

Pour nous autres qui devrons nous déplacer aux urnes pour voter, il s’agit là d’un rappel de l’importance de ces élections dans le bon fonctionnement des institutions européennes.

Roxane Perrault-Fournier, Directrice générale de Mavence France

 

– Notes de bas de page –

[1] Voir notamment l’étude réalisée par le European Council on Foreign Relations (ECFR) : Cunningham. Kevin, Susi Dennison, Simon Hix et Imogen Learmonth, Virage à droite : Prévisions des élections du Parlement européen de 2024, ECFR, 23 janvier 2024. On recommandera également la lecture de l’infographie réalisée par le média Contexte : Parlement, Commission, Conseil : les rapports de force politiques à la veille des européennes, Infographie, Contexte.com, 29 janvier 2024

[2] Voir : The European Commission’s priorities: 6 Commission priorities for 2019-24, Commission.europa.eu