Poursuivant nos échanges avec les professionnels des métiers de l’influence, nous sommes allés à la rencontre d'Olivier Riffard, Directeur général adjoint de la Fédération Française des Télécoms (FFTélécoms). FFTélécoms est l’organisation professionnelle qui réunit les opérateurs de communications électroniques français. Elle comprend à ce jour 20 membres dont les missions, qui s’opèrent sur l’ensemble du territoire français, nécessitent d’entretenir un dialogue constant avec les décideurs et les populations au niveau local, national et international. Avec lui, nous revenons sur les dossiers au cœur des préoccupations des entreprises de télécommunication. Nous évoquons le rôle des opérateurs lors de la pandémie de Covid-19, les conséquences de l’actualité géopolitique sur leur activité et les enjeux réglementaires actuels qui affectent ce secteur stratégique pour notre quotidien.

Pourriez-vous nous expliquer la genèse de la création de FFTélécoms. Pourquoi et pour répondre à quels besoins spécifiques cette organisation voit-elle le jour en 2007 ?

La Fédération Française des Télécoms (FFTélécoms) a été créée en 2007 avec l’objectif de représenter l’ensemble du secteur des télécoms. Aujourd’hui, la Fédération compte 20 membres adhérents. On y retrouve les opérateurs grand public que sont Orange, Bouygues Telecom et SFR. Vous avez vous aussi un positionnement varié avec tous les grands opérateurs qui fournissent des services spécifiques aux entreprises et d’autres acteurs un petit peu plus petits sur le spectre des télécoms. C’est par exemple La Poste mobile qui est un MVNO (Mobile Network Mobile Operator), donc qui ne dispose pas de réseau en propre, mais utilise celui des autres opérateurs. Et puis vous avez des filiales françaises d’opérateurs étrangers telles que la filiale française de Verizon qui est adhérente, RATP Connect ou Hub One qui est chargée de la connexion des aéroports. On regroupe donc toute la panoplie du secteur des télécoms.

Au final, la fédération a été créée il y a un peu plus de quinze ans pour deux raisons principales. Premièrement, c’est un syndicat professionnel dont l’objectif est de représenter les opérateurs du secteur des télécoms auprès des pouvoirs publics, de la société civile, des entreprises et de l’ensemble des élus en assurant un dialogue permanent entre nos membres qui évoluent dans un environnement concurrentiel. C’est pourquoi nous sommes mandatés par nos membres pour nous emparer de sujets uniquement non concurrentiels et nous travaillons uniquement au consensus. Et puis, deuxièmement, parce qu’au-delà de la simple infrastructure, on les accompagne sur tous les enjeux liés à la transition numérique, au développement des usages, à la couverture numérique du territoire… Comme chantier récent qui préoccupe les membres de la fédération, il y a tous les sujets liés à la parentalité numérique et la protection des mineurs en ligne. C’est donc sur un spectre assez large que nous intervenons. Pour ce faire, nous sommes une dizaine de permanents avec un conseil d’administration et un bureau qui fonctionne de manière assez classique.

Avant d’entrer dans vos fonctions actuelles, vous occupiez celles de Directeur des Affaires publiques de FFTélécoms. À cet égard, quelle est la structure organisationnelle avez-vous mise en place pour représenter les intérêts de vos adhérents ?

Cela fait bientôt sept ans que je suis à la Fédération et mon recrutement a été réalisé il y a quelques années pour structurer les Affaires publiques. L’objectif de la Fédération était qu’on puisse dégager des positions communes pour devenir l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics aussi bien sur des questions liées aux affaires publiques que sur des sujets liés aux affaires parlementaires. Pour ce faire, j’ai structuré un groupe « Affaires publiques » intégrant les représentants de chacun de nos membres. Concrètement, cela signifie un travail important de coordination et de recherche de consensus avec l’objectif, sur chacun des textes impliquant les télécoms, d’avoir une audition de la Fédération française des télécoms avec une note de positions, des amendements et un portage au niveau du Parlement par un représentant de la fédération – donc moi-même, le directeur général ou notre président – accompagné du représentant d’un de nos adhérents – le plus souvent Bouygues, Orange et SFR puisque cela les concerne principalement – pour montrer l’unité de notre secteur. 

Cela est donc l’un des objectifs principaux de la fédération, avec des résultats assez probants et beaucoup de travail en amont, au quotidien et sur le moyen terme avec nos interlocuteurs. Nous sommes aujourd’hui l’interlocuteur privilégié au niveau du Parlement, mais aussi au niveau des administrations et des cabinets ministériels. L’idée étant pour les pouvoirs publics de pouvoir s’appuyer sur nous, car il est plus facile d’avoir un avis sectoriel que de pouvoir sonder chacun des membres sur des sujets qui sont consensuels et pour lesquels on a été mandatés.

Ensuite, en termes d’organisation interne à la fédération, notre nouveau directeur général, Romain Bonenfant, est arrivé au mois de septembre dernier. Entre-temps, j’ai assuré l’intérim, et puis j’ai été nommé directeur général adjoint. L’objectif pour nous est d’avoir une équipe extrêmement polyvalente. Nous animons un certain nombre de groupes de travail que chacun des chargés de mission alimente. Ces chargés de mission sont les secrétaires de ces groupes de travail. Enfin, ces derniers et moi-même nous répartissons les rendez-vous.

La deuxième sphère d’influence au niveau public est celle de l’influence territoriale. À ce titre, je suis chargé des relations avec les associations nationales d’élus, qui sont très importantes pour nous puisque dans tous nos sujets liés à la couverture numérique, que ce soit mobile ou fibre optique, les élus sont à tous les étages, c’est-à-dire aussi bien au niveau régional, départemental, qu’au niveau des municipalités. On travaille donc beaucoup avec eux ce qui se concrétise, depuis six ans, par l’organisation d’un petit tour de France de l’inauguration de pylônes dans le cas du New Deal Mobile, avec l’objectif de montrer que la fracture numérique et que les zones blanches se résorbent. C’est donc un ensemble d’actions menées à la fois au niveau national, mais aussi au niveau territorial.

La pandémie de Covid-19 a montré combien les réseaux de télécommunication performants sont au cœur des enjeux de nos quotidiens. Quel a été le rôle de la FFTélécoms à cet égard ? En dressant le bilan de la crise sanitaire, qu’avez-vous appris et comment cela à fait évoluer vos pratiques et celles de vos adhérents ?

Cette période a été très particulière pour de nombreux secteurs et peut-être encore plus pour le secteur des télécoms, puisque la première question que les pouvoirs publics ont posée le lendemain du confinement en mars 2020 était de savoir si les réseaux allaient tenir quand tout le monde allait se retrouver à domicile et faire du télétravail, du télé-enseignement, et de la téléconsultation. On a été extrêmement associés à la réflexion des pouvoirs publics pendant le premier mois. On avait deux points par jour – un matin, un le soir – avec l’ensemble des états-majors des opérateurs pour s’assurer que le trafic Internet et que les réseaux fixes et mobiles, qui étaient très sollicités, allaient tenir. Le premier enseignement, c’est qu’on a constaté que les réseaux télécoms étaient en France robustes et résilients et qu’ils ont tenu. C’est un motif de satisfaction pour nous, mais ça a nécessité un travail de coordination en format « cellule de crise » et puis de se poser un certain nombre de questions sur notre organisation à moyen terme. On a été extrêmement sollicités par les pouvoirs publics.

Il y a deux choses que l’on peut retenir. Premièrement, c’est que, contrairement à tous les autres secteurs, le secteur des télécoms est le seul à ne jamais avoir arrêté de déployer. Les déploiements en fibre optique, les déploiements du New Deal Mobile ont certes été ralentis, mais se sont toutefois prolongé grâce notamment à notre demande immédiate et négociée en premier, d’obtenir des autorisations et des laissez-passer pour pouvoir continuer notre activité. Ces autorisations nous ont été accordées par voie d’ordonnances et un certain nombre de mesures dérogatoires nous ont permis d’intervenir là où la plupart des communes ne délivraient plus d’autorisation de permission de voirie.

Et dans un deuxième temps, on s’est aperçu qu’il serait extrêmement important à l’avenir, avec tous les sujets liés aux pandémies, à la Coupe du monde de rugby, aux Jeux olympiques, aux tempêtes… que les opérateurs télécoms soient reconnus comme des services essentiels pour faciliter les déplacements. Très concrètement, cela signifie qu’en cas de délestage ou de coupure électrique, nous soyons considérés comme prioritaires. Ces discussions ont eu lieu en fait à la sortie du Covid. Et ce qu’on a constaté aussi, c’est qu’il y a une grande solidarité de la part du secteur des télécoms, avec vraiment les salariés qui ont joué le jeu, parfois dans des conditions qui n’étaient pas évidentes. Et donc la Fédération a été extrêmement mobilisée sur toute cette période pour faire vraiment le lien avec les pouvoirs publics et aussi les élus qui étaient parfois inquiets.

Malheureusement, à ce jour, force est de constater que notre demande n’a toujours pas été entendue. Que ce soit lors du Covid, mais encore plus à l’occasion de catastrophes climatiques telles que les différentes tempêtes qui ont touché la Bretagne, ou les incendies d’été… à ces occasions, on s’aperçoit que les réseaux télécoms fonctionnent avec de l’électricité et qu’à partir du moment où l’électricité est coupée, les réseaux ne fonctionnent plus. Notre demande est donc d’être reconnus comme essentiels pour être prioritaires dans le rétablissement de l’électricité, puisque tous les retours d’expérience démontrent que partiellement l’électricité revient, il y a plus 90 % des réseaux qui redémarrent tout seuls. Pour nous c’est vraiment déterminant d’avoir ce statut de biens essentiels à la fois pour avoir des facilités de circulation, mais aussi pour avoir accès aux réserves de carburant pour recharger les groupes électrogènes, donc tout un ensemble de choses qui prennent tout leur sens quand, par exemple, la Bretagne et la Normandie sont frappées par une tempête et que ce sont 1000 pylônes qui du jour au lendemain cessent de fonctionner. Pour Enedis, nous ne sommes pas prioritaires. Enedis priorise les grosses zones de population en faisant des arbitrages en faveur du rétablissement de l’électricité dans un supermarché parce que sa chambre froide ne tient que 4h plutôt que de reconnecter des pylônes. Et cela crée parfois des incompréhensions au niveau du public et des élus qui ont du mal à comprendre pourquoi Enedis rétablit le réseau d’électricité très rapidement, mais qu’au bout de trois ou quatre jours, les opérateurs n’ont toujours pas rétabli leurs réseaux télécoms. C’est ce combat que l’on mène. On souhaite ne pas être délestable au même titre que les hôpitaux ou d’autres points jugés prioritaires.

À compter de janvier 2018, la FFTélécoms s’est dotée d’un plan « New Deal » pour accompagner le déploiement de solutions numériques sur l’ensemble des territoires. La FFTélécoms et ses membres participent également pleinement aux efforts de ses adhérents pour faire émerger une réponse commune aux enjeux environnementaux. Comment cela se traduit-il concrètement et quel est votre rôle à cet égard ?

Depuis le lancement du New Deal Mobile début 2018, la Fédération a été mandatée par ses opérateurs membres et non membres (c’est le cas de Free mobile) puisque nous travaillons ensemble au déploiement d’un certain nombre de pylônes sur l’ensemble du territoire avec deux changements dans la façon de couvrir le territoire : 1/ les pylônes sont mutualisés aux quatre opérateurs ; 2/ les pylônes sont à la main des collectivités.

Au niveau de la fédération, nous avons été l’interlocuteur des pouvoirs publics pour s’assurer de la bonne mise en œuvre et de la valorisation de ce programme. Sa bonne mise en œuvre, cela veut dire que les opérateurs ont dû apprendre à travailler à quatre au sein de comités de suivi auxquels participe la fédération. On pouvait comprendre à l’origine l’existence d’une crainte de s’engager dans un « énième » plan. Pourtant, aujourd’hui, la question de la couverture mobile n’est plus un sujet puisque le New Deal Mobile est en train de se terminer. Il y avait 5000 zones qui devaient être définies par les collectivités, c’est-à-dire 5000 pylônes que les opérateurs devaient aller construire, à leurs frais, d’ici fin 2025. Aujourd’hui, il y a quasiment 4800 zones qui ont été identifiées. Ce sont les départements et les préfectures qui sont en charge de cette identification. Une fois ces opérations effectuées, nous devons couvrir la zone qui nous est demandée. Environ 3000 ont été construits depuis 2019. C’est un exploit assez inédit en termes de rapidité de déploiement. Ce sont des pylônes mutualisés à quatre opérateurs. Et nous sommes en train de construire les 2000 autres qui devront être déployées d’ici fin 2025, début 2026. Donc c’est un succès parce qu’aujourd’hui, et ce sont les chiffres de l’ARCEP, les zones blanches se résorbent. En 2018, il y avait 12 % du territoire qui était en zone blanche, c’est-à-dire couverte par aucun opérateur. À la fin de l’année dernière, on était à moins de moins 2 %. Donc la question des zones blanches va être réglée, et c’est pour nous un motif de satisfaction.

Par ailleurs, le New Deal avait d’autres obligations qui étaient aussi de densifier la couverture en propre des opérateurs. Ça veut dire qu’aujourd’hui, le choix des 5000 pylônes, c’est une partie du New Deal, mais qu’il y avait aussi des milliers de pilotes qui devaient être implantés pour améliorer la couverture nationale. Parce qu’on fait toujours la course contre la consommation. Pour vous donner un ordre d’idée, la consommation mobile augmente de 30 % par an. En 2017, on consommait 3Go en moyenne par abonné et par mois. Au 1ᵉʳ janvier 2024, on était à plus de 15Go. Nos projections, avec la consultation en permanence de son téléphone, des séries en mobilité, etc. nous permettent d’estimer un taux de consommation multiplié par six à fin 2029 pour atteindre 90 Go par mois.

C’est pour nous un enjeu majeur. À ce titre, nous sommes chargés d’organiser des évènements pour faire le point au niveau du département par le biais des inaugurations de pylônes. Depuis le début du New Deal, la fédération a été mandatée par nos membres et par le gouvernement pour être l’interface dans l’organisation technique de ces inaugurations. À cet égard, lorsque nous sommes sollicités par un opérateur, un parlementaire, un département ou un ministre, nous préparons le kit d’inauguration qui comprend l’invitation, le dossier de presse, une situation dans le département, une carte qui montre tous les sites déployés et les sites à venir… On en a fait plus de 160 depuis 2019. Ce sont des moments importants pour nous parce qu’à la fois ça nous permet de voir que sur le terrain, préfectures, départements, parlementaires nous font remonter leur satisfaction. Et surtout aux citoyens qui sont concernés dans ces zones qui du jour au lendemain ne passe de rien du tout à de la 4G par les quatre opérateurs.

Le contexte géopolitique n’est pas sans conséquences sur le secteur d’activité que la FFTélécoms représente. Il y a d’abord la plus grande complexité pour se fournir sur le marché des matières premières essentielles pour la performance des réseaux de télécommunications (ex : lithium, nickel, cobalt, titane, platinoïdes, néodyme, dysprosium, terbium…). À cela s’ajoute l’inflation qui pèse sur les coûts des opérateurs. Cette situation vient contrarier l’activité de vos membres et affecte les stratégies de transition énergétique dans lesquelles ils sont engagés. Quel dialogue la FFTélécoms entretient-elle avec les décideurs nationaux et internationaux à cet égard ?

L’inflation, premier point. Nous sommes dans une équation un peu compliquée au niveau économique. Chaque année, nous publions une analyse des résultats du secteur pour montrer ce qu’il représente et on s’aperçoit que la valeur n’est pas chez les opérateurs, mais plutôt chez les constructeurs et les plateformes. Pourquoi ? Parce que les plateformes utilisent gratuitement les réseaux que nous déployons et pour lesquels nous investissons. Nous représentons le secteur qui investit le plus en France. Les quatre opérateurs représentent à eux seuls 15 milliards d’euros d’investissement en 2023. Le deuxième secteur qui investit le plus après nous, c’est le secteur des transports, à hauteur de 7 milliards. Deuxièmement, on a des obligations de couverture qui sont extrêmement importantes avec, pour autant, les prix les plus bas d’Europe puisqu’aujourd’hui le prix moyen de l’abonnement mobile se situe entre 15 et 16 € pour le mobile et autour de 30-35 € sur le fixe. Si vous regardez tous les autres pays, mis à part la Roumanie, les prix sont beaucoup plus élevés, donc les taux de marge sont forcément compliqués.

Il faut ajouter à cela une fiscalité sectorielle spécifique et unique en Europe. Les opérateurs payent 1,3 milliard d’impôts sur les sociétés, ce qui est bien normal, auquel s’ajoute une fiscalité spécifique de 1,5 milliard d’euros. Plus de fiscalité c’est donc moins d’investissement dans les télécoms. On paye la taxe sur les opérateurs de communications électroniques pour le budget de l’État. On paye 500 millions d’euros pour la culture… À cela s’ajoute une taxe qui s’appelle l’IFER mobile (imposition forfaitaire des entreprises de réseaux). C’est un impôt de production désincitatif puisque plus vous déployez de pylônes, plus vous installez de technologies, plus vous êtes taxés. Je donne un exemple si vous avez un pylône qui a de la 2G, 3G, 4G, 5G… vous payerez quatre fois la taxe.

Cette taxe qui a été créée en 2011 pour compenser la suppression de la taxe professionnelle, devait être plafonnée entre 125 et 150 millions. Aujourd’hui, elle atteint 300 millions. Quand vous comparez cette fiscalité au haut niveau européen, il y a un complet déséquilibre. On ne fonctionne par armes égales puisque cette taxe spécifique sectorielle n’existe pas dans les autres pays. Tout l’enjeu pour nous est de peser dans les débats au niveau de la future Commission européenne pour qu’on essaye d’avoir un certain nombre de règles qui soient équivalentes entre les États pour être compétitif. La principale difficulté que nous rencontrons est qu’en Europe existent 88 opérateurs et 24 régulateurs. À titre de comparaison, aux États-Unis, vous avez 3 opérateurs et chacun disposent de 50 à 100 millions de clients. Sur le marché européen, on ne pèse pas grand-chose, ce qui est compliqué pour nous.

Les grands enjeux au niveau géopolitique et géostratégique sont d’abord liés à la souveraineté numérique. Ce que l’on dit, c’est que pour être souverain et il faut s’assurer que les opérateurs télécoms soient à armes égales avec d’autres acteurs économiques, et que demain il y a un vrai risque pour les télécoms d’être désintermédiés. Aujourd’hui, beaucoup de gens ne passent pas par leur Box pour regarder la télé. Ils utilisent leurs téléphones, où regarde directement Netflix sur le téléviseur. En faisant çà, ils utilisent nos réseaux sans rien payer.

Le secteur des télécommunications est actuellement en pleine recomposition avec une évolution réglementaire européenne qui bouleverse les pratiques des opérateurs français. Quelles sont les conséquences des dernières réglementations prises ou en cours de discussion actuellement ? Et quel rôle la FFTélécoms remplit-elle pour défendre l’intérêt de ses adhérents dans un marché toujours plus compétitif ?

Il est important pour nous d’avoir des règles équitables, une fiscalité qui soit incitative et ne taxe plus les impôts de production, puisque la Commission européenne estime que pour atteindre les objectifs de la Gigabyte Society en 2030, les opérateurs télécoms devront investir 174 milliards d’euros au niveau européen. Et pour trouver ces investissements, il faut avoir des règles qui facilitent les déploiements mobiles.

On pose également la question de la contribution d’un certain nombre d’autres acteurs à l’aménagement numérique du territoire. Aujourd’hui, seuls les opérateurs télécoms qui déploient des réseaux contribuent. En vertu du principe de neutralité du Net, ils ne peuvent discriminer les contenus qui sont distribués dans leurs tuyaux. Donc on distribue tout le monde et on s’aperçoit qu’aujourd’hui – c’est le fruit de notre étude de la fin de l’année dernière – en moyenne par jour, il y a 54 % de la bande passante de tous les opérateurs qui est utilisée par les quelques acteurs que sont YouTube, Meta et Netflix, et 80 % aux heures de pointe. Donc ça veut dire qu’on est contraint par ces acteurs dont le modèle économique est de diffuser toujours plus de vidéos et toujours plus de définitions avec de la publicité, de reconfigurer des réseaux. Ce que l’on porte depuis 3 ans, c’est le principe d’un Fair-Share. C’est-à-dire de voir comment ces acteurs peuvent être mis à contribution pour qu’on arrive à atteindre nos objectifs. Ce Fair-Share s’appliquerait au-delà d’un certain volume de données, il serait nécessaire d’avoir des négociations, avec l’objectif d’embarquer tous les acteurs dans son financement. C’est quelque chose qui est très compliqué à envisager à ce jour parce qu’au niveau européen, il n’y a pas forcément d’unité. Mais le Livre blanc de la Commission a quand même remis cette idée au goût du jour.

Et il y a un deuxième axe qui nous paraît aussi très important, c’est le prisme environnemental. On parle beaucoup de l’empreinte environnementale du numérique. Aujourd’hui, le numérique, c’est à 85 % la fabrication des terminaux, et que nous, réseaux en tant que tels, on représente moins de 5 % de ces émissions. À un moment donné, il faut aussi responsabiliser les plateformes, les constructeurs, afin de leur demander de faire des efforts dans le but général de préserver la planète. On propose, par exemple, que les encodages et les codecs utilisés par ces grandes plateformes soient un peu plus vertueux, un peu plus transparents au niveau des algorithmes et qu’ils baissent leur niveau d’émissions. On n’a pas besoin d’avoir du 4K ou du 8K sur un petit écran de smartphone, vous ne voyez absolument pas la différence. Vous n’êtes pas non plus obligé d’avoir le lancement automatique de vidéos sur YouTube, par exemple. Tout ceci sature les bandes passantes.

Il y a tout un tas de choses que nous ne pouvons pas faire en vertu du principe de neutralité du Net, mais que les acteurs peuvent décider pour eux-mêmes. En mars 2020, quand le gouvernement s’est demandé si le réseau télécom allait tenir, pression a été faite sur ces plateformes. Netflix, par exemple, a dégradé de sa qualité et Disney Plus a retardé son lancement de trois semaines. Personne ne s’en est plaint. Il y a donc un vrai enjeu de prise de conscience par les usagers de leur consommation. À titre d’exemple, depuis 2022, la loi impose aux opérateurs télécoms sur les factures mobiles que tous les mois soit inscrit l’équivalent CO2 de la consommation data de chaque utilisateur.

Nous, on aimerait bien que les plateformes, que les constructeurs, aient aussi ce type d’obligation. Et ça, pour nous, c’est un enjeu majeur puisqu’on parle beaucoup de pollution numérique, il faut aussi que chacun prenne sa part. Je ne vous cache pas que le combat, c’est un peu David comme contre Goliath, puisque le marché français pour ces géants du numérique est complètement déséquilibré. Il y a plusieurs pays qui ont qui ont lancé le même type de réflexion, la Corée du Sud par exemple, il c’est un phénomène mondial, en fait, et demain, on sait très bien que le risque non seulement qu’il ne paye toujours rien, mais qu’on soit désintermédié, c’est-à-dire qu’on ne passe même plus par nos décodeurs, mais qu’ils passent directement par les télés. Depuis 5-6 ans, par exemple, sur toutes les télés connectées Samsung, vous regardez sur la télécommande, vous avez un bouton Netflix.

Parmi les autres sujets vraiment importants pour nous se trouve celui de la parentalité numérique et de la protection des mineurs en ligne. C’est quelque chose qui est pour nous très important et dans le contexte de la remise de la cause du rapport de la commission « écran », nous avons évidemment été auditionnés. Nous participons depuis très longtemps à des actions de sensibilisation. On prône une éducation au numérique avec des guides de sensibilisation. Depuis 2006, les opérateurs télécoms proposent de manière gratuite une solution de contrôle parental pour toute souscription d’un abonnement pour les mineurs pour lutter contre l’accès non contrôlé aux contenus violents, pornographiques, pédopornographiques et terroristes…

Nous faisons ça en lien avec le ministère de l’Intérieur. Mais là encore, nous n’agissons pas tous dans le même sens. La loi Studer du 2 mars 2022 obligeait au 1ᵉʳ juillet la mise en place d’un contrôle parental pour tous les supports proposés par les constructeurs, mais aussi les consoles de jeux vidéo, les tablettes, les applications, les réseaux sociaux… Ces acteurs-là, ont attaqué en justice le décret visant à mettre en œuvre le contrôle parental. Nous sommes lassés d’être confondu avec ces acteurs alors que nous sommes vertueux. Nous avons à ce titre développé un certain nombre d’instruments de contrôle parental et de sensibilisation.

Mais j’ai l’impression que la prise de conscience est en train d’être faite. Au niveau des pouvoirs publics en tout cas. Maintenant il faut que les parents soient plus responsabilisés des dangers de laisser leurs enfants, surtout très jeunes, sans aucun contrôle parental sur toutes les applications.

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