À quelques semaines du début de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), les priorités du Président Macron se précisent autour notamment d’un accompagnement de la transition écologique et numérique des États européens et d’un renforcement de la réponse de l’UE face à ces défis – le Président plaidant en ce sens pour une « indépendance industrielle ».

IA, Big Data, véhicule autonome… l’industrie automobile est l’une des plus innovantes pour appréhender les enjeux de mobilité durable, d’énergie verte et d’économie circulaire. L’occasion d’évoquer avec Dorothée Dayraut Jullian, Directrice des Affaires publiques et de la Communication, Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA), les défis à relever pour les professionnels des affaires publiques du secteur automobile au cours de la PFUE.

 

Vous avez une très bonne connaissance des institutions européennes et françaises après avoir exercé dans ces deux places d’influence. La pratique des Affaires publiques en France et à Bruxelles présente malgré tout de nombreuses différences. Comment les professionnels des Affaires publiques français qui opèrent au sein de l’industrie automobile doivent-ils se préparer pour accompagner les organisations qu’ils représentent devant les institutions européennes, en prévision de la PFUE ? Quelles sont les réglementations qu’ils surveillent ?

Alors, effectivement, la présidence française de l’Union européenne est un des grands temps forts des mois qui viennent, notamment parce que la réglementation dans le secteur automobile au niveau européen est extrêmement abondante.

On a vu beaucoup de réglementations sur l’automobile et les mobilités qui ont été produites au cours de ces derniers mois et qui sont en devenir. Il y a plusieurs sujets en ce moment qui nous préoccupent. Le grand enjeu lors de cette présidence française de l’Union européenne sera de sensibiliser nos ministères et le gouvernement français sur un certain nombre de sujets afin qu’ils soient inscrits prioritairement à l’agenda de cette présidence française.

Pour le secteur automobile il y a l’examen du paquet climat qui a été présenté le 14 juillet dernier par la Commission européenne. C’est un des sujets majeurs puisqu’il va réglementer les émissions de CO2 en matière automobile et renforcer les objectifs de réduction de CO2 pour le secteur. C’est un sujet qui nous préoccupe particulièrement puisque nous représentons l’ensemble des services de l’automobile. Au CNPA, nous avons une grande conscience des enjeux de transition écologique. Il faut aussi penser, évidemment à l’implication de nos professionnels et à la façon dont ceux-ci vont pouvoir appliquer cette réglementation. On essaie vraiment de trouver un équilibre sur ces sujets.

Il y a aussi un autre sujet d’importance qui fait partie du paquet climat, c’est le déploiement des bornes de recharge. C’est l’un des enjeux de transformation des entreprises de notre secteur qui recouvre aussi bien la distribution automobile, que la réparation – donc les garagistes, les contrôleurs techniques, les centres auto, les loueurs de véhicules, les parcs de stationnement, les stations-service, les auto-écoles. L’accélération de l’électromobilité présente un défi pour que ces professionnels puissent opérer de plus en plus avec des véhicules électriques.

Dans les autres enjeux qu’on regarde avec beaucoup d’attention, on retrouve le règlement européen d’exemption qui encadre la distribution automobile, c’est-à-dire, les relations entre les constructeurs et les distributeurs automobiles. De la même façon, cela va encadrer tout l’avenir de l’activité de la filière automobile pour les dix prochaines années.

Enfin, dans le contexte de la crise sanitaire, il y a évidemment le plan de relance et d’investissement pour les années post-Covid. On est extrêmement vigilant au niveau français comme au niveau européen pour que le secteur automobile soit bien intégré au plan de relance et de transformation qui est absolument fondamental pour l’avenir du secteur puisque l’industrie automobile et la filière automobile souffrent beaucoup en ce moment. Pour rappel, les ventes sont à peu près en baisse de 30% par rapport à l’avant Covid.

Le marché n’ayant toujours pas repris, la présidence française de l’Union européenne s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile.

  

Vous venez de l’indiquer, l’industrie automobile a été lourdement touchée par la pandémie qui a bouleversé les chaînes d’approvisionnement, entraîné des retards dans les productions et les livraisons de véhicules, et un recul des ventes. Dans ce contexte, comment les professionnels des Affaires publiques doivent-ils s’y prendre pour défendre l’activité de ces industriels et faire émerger leurs priorités lors de la campagne présidentielle à venir ? Et comment peuvent-ils faire valoir leur impact sur la mobilité durable, d’énergie verte et d’économie circulaire ?

 

La campagne présidentielle est évidemment pour nous un moment très fort de débat public. Le CNPA est une organisation professionnelle qui représente 150.000 entreprises et 500.000 actifs sur le territoire. C’est un gros tissu de TPE, PME et ETI qui maillent l’ensemble du territoire français, avec des professions extrêmement différentes puisqu’on va de la distribution automobile, aux stations-service, aux auto-écoles, aux loueurs, aux garagistes mais également aux start-ups de la mobilité avec des opérateurs d’autopartage, de covoiturage, de trottinettes, de scooters électriques, etc.

En tant que CNPA, c’est un temps fort pour promouvoir nos propositions auprès des candidats, mais aussi pour tirer un bilan de ce quinquennat, tout en portant notre vision des mobilités pour les cinq ans à venir.

Il y a une loi d’orientation des mobilités (loi LOM) qui a été adoptée il y a deux ans maintenant ; une loi climat et résilience qui a six mois. C’est le moment de faire le bilan de l’application de ces réglementations et de leur impact tout en sensibilisant les candidats aux préoccupations des professionnels que nous représentons.

Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est que la mobilité est un enjeu sociétal grandissant. On l’a vu notamment au moment des gilets jaunes dont la mobilisation a débuté autour de la crise des carburants. Nous le savons bien puisque nous représentons les stations-service dans nos métiers. Le prix du carburant c’est un enjeu de pouvoir d’achat pour les automobilistes et les consommateurs.

Et puis, on voit les enjeux de mobilité, en zone urbaine comme en zone rurale sont de plus en plus importants et de plus en plus aussi pris en compte par les politiques. D’ailleurs, la loi LOM était une des premières grandes lois sur les transports et la mobilité – ce qui est d’ailleurs une des premières en Europe. La France est assez pro attractive et très anticipatrice sur cette loi. Les autres pays européens n’ont pas forcément réglementé comme on l’a fait en France.

Donc effectivement, il y a eu des avancées, mais il faut faire attention à l’acceptabilité sociale de la mobilité aujourd’hui et à la place de l’automobile. On le voit avec des sujets comme les zones à faibles émissions. Les Français qui vivent dans des zones peu denses ont besoin de leur voiture pour circuler parce qu’il n’y a pas forcément d’alternative et ni les mêmes enjeux et usages dans les centres ultras urbains et dans des zones périphériques aux villes, voire zones rurales peu denses. L’Automobile a été au centre de beaucoup de critiques et de débats – ce que certains nomment le Car bashing.

Par ailleurs, la filière automobile a beaucoup contribué à la transition écologique. C’est une des filières qui a été la plus proactive. Les émissions de CO2 ont énormément baissé. Il y a d’énormes contraintes et de réglementations qui ont été mises en œuvre au niveau européen, puis français. Et donc, il y a eu énormément d’avancées. C’est un des secteurs les plus engagés sur la transition écologique.

Enfin, en tant que représentant des services de l’automobile, nous portons la voix des métiers de l’économie circulaire et du recyclage. Nous sommes absolument impliqués dans les politiques environnementales et l’engagement de nos professionnels s’inscrit complètement dans la transition écologique.

C’est ce type de vision que l’on porte pour la présidentielle. Nous sommes apporteurs de solutions. De fait, nous produirons des contenus, un « livre blanc » à l’attention des candidats à l’élection Présidentielle comme le font toutes les organisations professionnelles, une campagne de communication autour de nos propositions pour sensibiliser les candidats à la présidentielle, mais aussi les parlementaires qui arriveront à l’Assemblée.

 

Avec l’arrivée de technologies toujours plus sophistiquées sur le marché des véhicules connectés, la législation se renforce autour de la protection et la sécurisation des données. Les professionnels des Affaires publiques doivent alors jongler avec des règles nouvelles et un langage toujours plus conséquent pour appréhender l’écosystème des organisations qu’ils représentent. Quels sont les profils en affaires publiques les plus recherchés ? Quelles sont les compétences nécessaires pour évoluer dans les métiers de l’automobile ? Quelles organisations vont avoir besoin de recruter en prévision de la PFUE et des élections françaises de 2022 ?

 

Sur les profils d’affaires publiques dans le secteur automobile et plus particulièrement au sein d’une organisation professionnelle, on recherche souvent des profils au confluent de plusieurs matières : à la fois juridique, science politique, et communication. Ce sont des profils pluridisciplinaires.

Au sein de notre direction, on gère à la fois les affaires publiques et la communication. L’un va de pair avec l’autre étant donné qu’on promeut des propositions en affaires publiques et qu’on en fait la valorisation par la suite. Notre chaîne est assez vertueuse en termes de communication, mais intrinsèquement le syndicat fait de la communication politique. Dans le cas où l’on délivre un discours politique, c’est assez naturel de lier affaires publiques et communication.

Parmi les qualités que l’on recherche, on retrouve des personnes qui ont un bon esprit de synthèse. On rédige beaucoup puisque le métier des affaires publiques, c’est quand même beaucoup de rédactions et de mise en perspective des enjeux politiques. Il faut avoir une bonne compréhension des rouages institutionnels et des enjeux de décryptage politique.

C’est aussi savoir un peu sentir le contexte, l’actualité pour anticiper les enjeux émergents. Ça, c’est très important, tout en essayant aussi de bien appréhender nos activités industrielles pour voir effectivement comment améliorer la réglementation.

Au-delà du secteur automobile, il faut d’abord comprendre ce qu’est une organisation professionnelle, parce que ce n’est pas exactement le même fonctionnement qu’une entreprise. C’est un collectif dans lequel il faut rechercher le consensus, c’est aussi l’art de la diplomatie. Il faut savoir pratiquer les affaires publiques en fédération professionnelle. Et puis il y a aussi beaucoup d’animation de réseaux. Et après, il y a toute la fonction de plaidoyer, c’est-à-dire, aller convaincre les institutionnels qu’ils soient au sein du gouvernement, d’une collectivité ou au Parlement.