Il existe une forme de paradoxe à observer la conjoncture économique actuelle. D’un côté, la France est frappée par une inflation record (6,1 % en juillet dernier) ; une situation qui a entraîné la mise en place d’un bouclier tarifaire par le gouvernement pour limiter l’impact de l’augmentation des prix sur les ménages français. De l’autre, les démissions n'ont jamais été aussi nombreuses.

La DARES (Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques) comptabilise plus de 620 0000 démissions et ruptures conventionnelles au 3e trimestre 2021[1] et 520 000 entre fin 2021 et début 2022[2].

Cette « grande démission », comme il convient de l’appeler, touche des secteurs aussi divers que l’industrie, le BTP, la santé, l’hôtellerie et la restauration, le transport… Lorsqu’ils sont interrogés, les démissionnaires évoquent majoritairement « les conditions de travail et l’évolution des salaires comme facteurs motivant leurs décisions. À l’inverse, l’économiste Olivier Favereau estimait récemment que les salariés participant aux développements stratégiques des entreprises semblaient moins enclins au départ[3]. L’intégration des salariés à la stratégie et par voie de conséquence au développement de l’entreprise, les incite à rester. En somme, pour s’épanouir, il faut se sentir pleinement intégré ! Rien de neuf à première vue, si ce ne sont les conditions cumulatives qui y sont associées : de la flexibilité et du sens. 

Les professionnels des Affaires publiques, dans l’exercice de leurs fonctions, sont par définition engagés dans la conduite stratégique de ces orientations. Ils n’échappent pas à la règle ; on observe chez eux une nécessité de concilier leurs choix de carrière avec leurs aspirations personnelles. Loin de l’image parfois véhiculée d’un lobbyiste dépourvu de vie de famille, sans valeurs, écumant les cocktails de cercles intégrés, nos nouveaux talents, non moins intéressés à l’évolution de leurs carrières, ont aujourd’hui d’autres attentes.

S’il va dans le sens de l’histoire, il s’agit là d’un nouveau défi pour les recruteurs et les organisations. Il pose la question de savoir comment s’adapter à ces nouvelles conditions d’exercice des Affaires publiques tout en répondant à la demande des candidats.

De la difficulté de concilier cadre de vie et représentation publique des organisations

Conséquences de la pandémie de la Covid-19, la démocratisation du télétravail a permis à de nombreux professionnels d’exercer leur activité depuis leur domicile. Une situation rendue possible par l’évolution législative et l’implication de leurs employeurs répondant à l’appel du gouvernement pour faciliter l’instauration de cette pratique.

Mais l’exception étant devenue la règle, de nombreux candidats à des postes en Affaires publiques sur des problématiques nationales souhaitent maintenir cet équilibre quand la France connaît encore une forte concentration de ses institutions à Paris. Au-delà, c’est aussi la capacité à constituer un réseau tout en embrassant les codes de ce milieu professionnel qui semblent plus difficiles à mettre en œuvre à distance.

Si internet semble offrir d’innombrables possibilités de mener une vie digitale sociale épanouie, force est de constater que malgré leurs percés – ô combien pratiques ! – les webinaires LinkedIn, Google Meet, Teams et Zoom peinent à permettre la poursuite imprévue d’une conversation ou la rencontre fortuite au détour d’un couloir.

Fondamentalement le cœur du métier n’est pas en danger. L’élaboration de la loi ne peut se faire sans un débat équilibré. Le rôle du professionnel des Affaires publiques est avant tout d’informer les responsables politiques afin d’éclairer leurs décisions et de les conduire en toute responsabilité. Il en va de la vie démocratique de notre pays. (…)

Cette tribune a été publiée le 29 septembre dans le numéro 2144 du magazine Stratégies.

Retrouvez le magazine à ce lien : https://boutique.strategies.fr/magazine/ndeg2144

 

 

— Notes de bas de page —

[1] Victor Barry, Mi-2021, un niveau élevé de démissions de CDI en lien notamment avec la décrue de l’activité partielle – Mouvements de main-d’œuvre au 2e trimestre 2021, DARES, 3 novembre 2021

[2] Victor Barry, La France vit-elle une « Grande démission » ?, DARES, 18 août 2022

[3] Olivier Favereau, « Le phénomène de “grande démission” ne concerne pas ou peu les pays où les salariés participent aux choix stratégiques de production », LeMonde.fr, 10 juin 2022